2-Le tunnel et la lumière

Pendant que l’équipe chirurgicale opère , mon cœur s'arrête. Pour quelle raison ? On ne sait pas. Il faut agir vite pour m'empêcher de partir à la mort et d'y rester.


L'équipe s'active pour rebrancher mon cœur à la vie. Mais je pars quand même. Je piège tout le monde et je pars. Je piège tout le monde y compris moi-même. Je me retrouve coupé en deux. Je suis au-dessus du plateau chirurgical. Je vois les têtes couverts du chirurgien et son équipe. J'aperçois nettement le dessus des appareils et des machines. Mais, en même temps, je suis toujours allongé sur « le billard ». Je suis comme suspendu au plafond, mais en même temps, je vois ce corps allongé qui n'est que moi-même. Je ne suis plus ce qui je suis, mais en même temps, je le suis encore.

Je transperce les corps et les objets dans tous les sens. Tout me devient transparent, perméable, pénétrable et traversable. J'ai l'impression que la structure physique de la salle opératoire s'effondre. Elle se disloque. Elle s'évapore. Je traverse les murs, les meubles, les étagères, les placards, les brancards, le matériel médical, les équipes soignantes, absolument tout.

Le bloc opératoire ne représente plus une structure stable, rigide et compacte. Il n'est plus un bâtiment avec des cloisons, des pièces distinctes ; avec des canalisations, des câbles, des appareils, du matériel logistique; avec des flacons, des accessoires médicaux, etc. Les cloisons se transforment en amas d'énergie qu'on peut traverser dans tous les sens. Les corps humains sont réduits à un ensemble d'organes qu'on peut toucher ou palper. Toujours collé au plafond, je vois de l'énergie partout dans la salle immense. Tout, absolument tout, se transforme en énergie dispersée dans l'espace. C'est irrationnel ! Je rêve !

Je ressens une attraction qui s'exerce sur moi. Je sens une énergie puissante m'aspirant vers le haut. Le plafond de la salle et tous les étages posés dessus ne sont plus impénétrables. Ils ne résistent plus à cette puissance gravitationnelle. Je sens que je vais les traverser sans être confronté à une quelconque résistance. En même temps, je continue à voir moi-même posé sur la table opératoire et relié aux appareils médicaux. Je sens que je vais monter, je vais transpercer le plafond et partir loin. En même temps, je reste allongé paisiblement, comme si de rien n'était.

Je suis deux et c'est la première fois que cela m'arrive. En temps ordinaire, je suis un. Depuis que je suis né, ou tout au moins depuis que j'ai pris conscience que j'existe, j'ai toujours été un et pas plus. Là, c'est différent. J'étais un lorsque je suis arrivé dans cette clinique. J'avais un seul nom et un seul numéro de sécurité sociale. Or, me voilà scindé en deux. Je suis allongé comme un patient docile et, en même temps, je suis en train de me balader au-dessus des têtes des braves gens qui s'occupent de moi. Me scinder en deux est devenu possible. Ça ne l'a jamais été avant, mais maintenant, si. Je suis en même temps en bas et en haut. Je suis allongé et debout. Je suis statique et en mouvement. Je suis lourd et léger. Je suis opaque et transparent.
J'ai l'impression d'être sorti de mon corps. Comment ai-je réussi à le faire sans que personne s'en aperçoive ? Ces braves gens s'affairent pour me retourner à la vie, me permettre de poursuivre ma trajectoire et continuer à servir la société, la famille, l'économie, etc. Or, me voilà au-dessus d'eux. J'ai envie de leur demander : mais vous opérez qui ? Moi ou moi ?

Ça y est. Ce qui devait arriver, arriva Je suis aspiré vers le haut. Je traverse le plafond de la salle opératoire. Contrairement à toute attente, je ne me retrouve pas à l'étage, dans son long couloir autour duquel les chambres des patients se tiennent debout et se regardent jalousement. J'aurais espéré voir le chariot des infirmières attendre sagement à côté d'une porte. J'aurais aimé voir celui des agents de service, chargé de plateaux repas et de carafes d'eau, traverser les chambres des patients, une après l'autre. J'aurais aimé revoir ma chambre, située au premier étage, et vérifier si mes affaires y sont toujours.

C'est impossible. Je suis dans un noir total. Je me suis bien infiltré dans le plafond du bloc opératoire, mais je suis monté très haut, très haut, très loin. Je suis au-dessus du dernier étages, de la clinique. Je suis au dessus de ce nuage qui la survole. Je suis monté très haut et très vite. A présent, je ne vois plus de corps solides. Je ne vois plus la terre. Je ne vois plus ses montagnes et valets. Je ne vois plus ses cités, ses villes, ses rivières ou les cheminées géantes de ses stations nucléaires. Je ne vois plus ses routes et les bouchons interminables qui serpentent ses métropoles. Je ne vois plus les gens marcher dans les rues, manger, dormir et et écrire, chacun, sa petite histoire. Je ne vois plus les animaux de la terre, ni ses arbres. Je ne vois plus ses forêts, ou du moins ce qu'il en reste. Tout a disparu de mon champ visuel. Je ne vois plus que le noir partout, le vide.

Je continue à monter. Tout à coup, j'aperçois une petite lumière jaunâtre pointer au bout. Je me rends compte que je suis dans un tunnel. La lumière vibre. Plus elle vibre, plus grande elle devient. Elle prend la forme d'un petit soleil tout rond et agréable à voir. Elle m'attire. Je continue à monter vers elle. Elle m'appelle. Je monte encore et encore. C'est magique. Tout se passe comme dans un rêve !

Maintenant, la lumière ronde devient géante. Elle est d'une blancheur envahissante, enveloppante et douce. Elle continue à vibrer dans sa grandeur. Je me sens comme une particule fine, toute petite, en train de traverser cet amas de lumière extrêmement agréable à vivre. Je l'avais revue récemment, lors d'une sortie de corps que j'ai faite, suite à bain de silence. C'est bien elle. Sa blancheur ressemble à la blancheur du coton pure. Elle est différente de la blancheur lisse et un peu transparente d'une lune traversant le ciel en pleine journée. Elle ne ressemble pas à la lumière éblouissante du soleil d'où jaillissent des rayons desquels on se protège les yeux.

C'est une lumière qui fait penser au coton pur à double titre. Elle m'y fait penser, par sa couleur. C'est du blanc pur. Mais elle m'y fait penser aussi par sa texture délicate, agréable et spongieuse. La majorité des morts revenants parle de lumière cotonneuse. Ils décrivent bien cette sensation agréable, douce, aimante, protectrice et enveloppante que nous donne cette lumière. C'est une lumière divine.

Elle me traverse. Elle est en moi et je suis en elle. On se confond tous les deux, on se mélange, on s'imbrique, on s'interpénètre, on s'enchevêtre, on fusionne. Je ne vois plus cette lumière comme quand j'étais dans le tunnel. Maintenant, je la vis en moi. Je la respire. Je baigne dedans. Débarrassé de mon corps, après l'avoir confié à la brave équipe soignante, tout est devenu possible pour moi. C'est la magie de l'univers. Je ne suis plus le patient qui j'étais. Je ne suis plus le malade qui ai besoin d'être soigné. Je ne manque absolument de rien, ici. J'ai tout. Je suis tout.

Débarrassé de mon corps, je ne vois plus. Je n'ai plus des yeux pour voir. Quand je disais que je voyais la lumière, j'utilisais le verbe « voir » de manière incorrecte. En effet, on ne voit que quand on a des yeux reliés à un cerveau et des neurones qui retraitent l'information. De plus, on ne peut voir que des formes dans un espace. En effet, dans la caverne, C'est l'espace qui nous permet de voir les formes des objets ; table, la montagne, les maisons,etc. On les voit parce que nous-mêmes, on fait partie de cet espace. C'est ce qui nous permet de les situer par rapport à leur environnement d'une part, et par rapport à notre position spatiale, d'autre part. C'est l'espace qui permet à notre cerveau de leur dessiner une forme, leur attribuer une couleur, leur donner un volume, une identité, des caractéristiques physiques, etc. Or là-haut, c'est différent. Il n'y a pas de corps physique, pas d'espace non plus.

La montagne que je vois, ici sur terre, je la distingue grâce, d'une part, à mes yeux et mon cerveau, et d'autre part, à sa structure physique tridimensionnelle. C'est à ces conditions, et uniquement à ces conditions réunies, que je peux la « voir ». Si l'une de ces conditions fait défaut, je ne pourrai pas la voir. Si la montagne n'a pas de hauteur, de longueur ou de profondeur, je ne pourrai pas la voir ; à moins qu'elle soit située dans d'autres dimensions. On y arrive tout doucement !

La lumière que j'ai « vue » ne ressemble pas à celle de la caverne. Je ne la « vois » pas comme une chose séparée de moi. Je ne la « vois » pas comme je vois un bâtiment, un arbre, un oiseau, le soleil, la lune, une ampoule ou une bougie.
Et alors pour quoi j'en parle ? Mieux encore, pourquoi tous les revenants de la mort en parlent aussi ?

Nous ne sommes jamais concertés auparavant pour aligner nos déclarations. Nous ne sommes pas organisés en réseau. Nous ne nous connaissons même pas. Et puis nous sommes dispersés dans le temps et dans l'espace. Nous n'habitons pas un même village. Et pourtant, nous disons la même chose !

Nous disons la même chose, parce que nous avons vécu la même chose !

La suite de ce récit, dans l'article n°3 : Ma rencontre avec les êtres de lumière

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Le retour à l'amour inconditionnel