Au-delà d’être identifiée comme un ensemble de rites, d’enseignements et de traditions, la spiritualité est au fond un état de conscience ; conscience de l’être sans forme et de l’énergie subtile. C’est la reconnaissance que les formes perceptibles dans l’univers sont des extensions éphémères et volatiles de l’énergie cosmique permanente. C’est aussi la conscience de la dualité et de la séparation inhérente à notre existence terrestre. En transcendant la pensée, qui, elle, est une activité de notre cerveau, la spiritualité est un état d’être vibratoire. Elle ne s’enseigne pas, ni ne s’apprend comme une leçon de géographie, d’histoire ou d’éducation civique. Elle se ressent et se vibre au niveau du cœur.
La spiritualité est cette vibration qui m’offre une perception différente de la forme que j’habite, c’est-à-dire mon corps physique, mais aussi des formes qui m’entourent. C’est cette vibration qui me fait prendre conscience que ma vie sociale, mon corps, le bureau où je travaille, le bus que je prends, ou encore le magasin que je fréquente, ne sont que des manifestations éphémères. Ce sont des concentrations d’énergie à des points spécifiques de l’espace et du temps.
Je suis en constante interaction avec toutes ces formes qui composent mon environnement. Elles incluent les bâtiments que je fréquente, mon lieu de travail, ma maison, les moyens de transport comme le bus, le métro ou encore l’avion. Ces formes, bien qu’imprégnées d’énergie, sont transitoires. En revanche, l’énergie qui les anime, elle, est permanente.
La spiritualité me permet aussi de percevoir différemment les nombreux rôles que je joue chaque jour. Ces rôles, eux aussi, sont éphémères. Ils émergent et disparaissent au gré du temps, des actions et des circonstances. Par exemple, lorsque je rentre dans un supermarché, je deviens un client. Mais une fois sorti, ce rôle disparaît.
De même, chaque individu autour de moi joue ses propres rôles dans différents contextes : familial, professionnel, social, etc. Je suis père d’un enfant qui joue le rôle de fils. Je suis client d’une personne jouant le rôle de commerçant. Je deviens professeur face à un groupe d’élèves qui, dans cette configuration, incarnent leur rôle d’apprenants. Mais une fois hors de la salle de classe, ces rôles s’évanouissent. Je cesse d’être leur professeur, ils cessent d’être mes élèves.
Quand je prends un bus, j’interagis avec le conducteur, qui joue son rôle dans cette pièce éphémère. Mais dès que je descends du bus, je ne suis plus usager, et lui, de son côté, redevient un simple individu, se préparant à jouer d’autres rôles dans sa vie : époux, parent, spectateur devant sa télévision, ou même rêveur lorsqu’il s’endort.
Notre société est un théâtre permanent où nous jouons des rôles pour évoluer et interagir. Ces rôles et ces formes sont nécessaires pour exister dans cette fréquence dense qu’est la réalité terrestre. Pourtant, derrière chaque rôle, derrière chaque forme, se cache l’être véritable. Rien ne prédestinait un embryon à devenir conducteur de bus, pas plus que moi à devenir voyageur. Ces rôles ne sont pas inscrits dans notre ADN.
Le bus lui-même devient une scène éphémère où chacun interprète sa part dans une pièce temporaire. La vraie question est : suis-je conscient de jouer le rôle d’usager lorsque je monte dans le bus ? Perçois-je ce rôle comme éphémère ? Suis-je capable de me souvenir qu’en dehors de cette fonction passagère, je suis bien plus qu’un simple usager ?
Soldat, dans un champ de bataille, suis-je capable de me souvenir qu’en tant que soldat, je ne fais qu’endosser un rôle éphémère ? Suis-je capable de prendre conscience qu’en tant qu’être universelle, je ne suis ni soldat ni guerrier. Je suis une extension de l’énergie cosmique, de l’énergie d’amour. Certes, à ce niveau de conscience, je cesserais immédiatement de me battre, et il n’y aurait plus de guerre sur Terre.
Que se passerait-il si tout le monde réalisait que nous jouons tous une pièce de théâtre ? Nous prendrions alors conscience que, derrière ces formes et ces rôles transitoires, nous sommes des êtres intemporels, venus sur Terre pour expérimenter l’éphémère et la dualité. Cette prise de conscience nous rappellerait que, tôt ou tard, nous « rentrerons à la maison ». Nous quitterons ce théâtre éphémère pour expérimenter d’autres vies ailleurs ou pour rejoindre l’éternité à jamais.
La spiritualité n'est pas un statut, c'est un état de conscience
Il ne s’agit pas simplement d’observer ou de conceptualiser l’existence de cette dualité majeure ; celle de l’être et la forme ou le rôle. Ce n’est pas un objet extérieur à moi. Je suis profondément imprégné par cette dualité, qui constitue ma fréquence d’être. Il s’agit non pas seulement de l’accepter mentalement, mais de la vibrer au niveau du cœur, de la vivre pleinement. Cela implique de percevoir cette chaîne de rôles que j’interprète chaque jour comme éphémère, mais indispensable pour mon voyage sur Terre. Pourtant, celui qui voyage est bien plus que ces rôles.
Cette perception de la spiritualité comme vibration diffère fondamentalement des pratiques spirituelles issues de la culture. Et qu’est-ce que la culture, si ce n’est une mosaïque d’images, de pratiques, d’habitudes, de traditions et de croyances, façonnée par les sociétés sur Terre ?
Un maître enseignant, un prêtre, un rabbin, un imam, un spirituel laïc… Tous sont des acteurs. Ils incarnent des rôles, comme dans une pièce de théâtre. Hors de la scène, ils sont autre chose. Sur scène, ils apparaissent différents, voire opposés. Mais hors scène, les différences s’évanouissent. Le rabbin n’est pas rabbin, le prêtre n’est pas prêtre. Ce sont des consciences subtiles venues sur Terre pour expérimenter et évoluer.
Prendre conscience de cette dualité et la vibrer pleinement, voilà ce qu’est la véritable spiritualité. C’est une spiritualité sans rites, sans formes, sans apparences, sans manifestations, sans croyances, sans marchandisation ou illusions à offrir aux adeptes ou suiveurs.
Quand je parle de jeu de rôle, je ne porte pas de jugement. Cela ne vise pas à diminuer la valeur ou l’impact de ces statuts ou fonctions, mais à souligner leur caractère transitoire et illusoire. Le statut de prêtre est un rôle social sérieux et légitime, assorti d’obligations et de droits. Cependant, il ne représente pas la spiritualité en soi. Un pasteur n’est pas spirituel parce qu’il est pasteur. C’est seulement lorsqu’il perçoit sa fonction comme éphémère et prend conscience qu’il est autre chose que pasteur, qu’il devient véritablement spirituel.
Les rituels et pratiques qui peuplent monastères et églises ne sont que des jeux de rôle éphémères. Ils s’effacent dès qu’un autre rôle est endossé. La spiritualité, en revanche, est permanente. Elle est une vibration et un état de conscience profond, qui transcende les rôles sociaux. Tant que nous vivons sur Terre, cette dualité alimente notre expérience spirituelle. Mais après la mort, la dualité disparaît et laisse place à l’unicité de l’être. À cet instant, la spiritualité, telle que nous la concevons ici-bas, n’a plus lieu d’être.
Identification, attachement et dérives
Un religieux (maître bouddhiste, imam, prêtre ou rabbin) qui s’identifie à son statut et s’y attache risque de ne pas être dans un véritable état de conscience spirituelle. Ce n’est que lorsqu’il reconnaît qu’il est autre chose qu’un maître bouddhiste ou un rabbin qu’il peut accéder à une spiritualité authentique. Cette dernière naît de la conscience que son rôle n’est qu’un jeu éphémère, une pure forme temporaire.
La spiritualité repose sur la prise de conscience de la dualité qui caractérise notre passage sur Terre. Seule cette conscience nous place sur le chemin qui, au-delà des rôles et des apparences, mène à l’être profond que nous sommes : une entité constituée d’énergie d’amour inconditionnel. La spiritualité n’est ni une accumulation de rites ni une succession de croyances : elle est la vibration même de cet amour.
Quand je prends conscience que je suis autre chose qu’un religieux, je reconnais la dualité. Une fois cette conscience solidement ancrée, elle me guide vers l’amour inconditionnel. Cela élève ma fréquence vibratoire : j’accède à une dimension spirituelle plus profonde et plus élevée, qui me protège contre les dérives.
Cette fréquence me permet aussi de comprendre que les dérives naissent de la manière dont j’interprète mon rôle de religieux. Une mauvaise interprétation peut engendrer des comportements et des pratiques contraires aux lois de la nature. L’attitude envers la sexualité en est une illustration parfaite.
En tant que prêtre ou maître bouddhiste, je suis d’abord un être humain incarné dans un corps physique. Ce corps obéit aux lois de la nature, qui régissent nos états physiques, biologiques, physiologiques et psychiques : faim, soif, fatigue, maladie, bien-être ou mal-être, envie sexuelle, besoin de sommeil, etc. Ces états font circuler l’énergie vitale, qui est en réalité l’énergie de l’amour inconditionnel. Toutefois, lorsque ce fonctionnement naturel est perturbé par des facteurs extérieurs contraires aux lois naturelles, l’énergie circule mal.
Si mon rôle religieux m’amène à modifier ce fonctionnement naturel, je deviens incohérent vis-à-vis des lois qui régissent mon corps et mon être. En refusant de reconnaître mes besoins, notamment sexuels, je bloque le processus naturel. Il n’est donc pas surprenant qu’une dysharmonie chronique s’installe.
Cette dysharmonie peut conduire à des comportements contraires à la nature. Face à des envies que l’on ne peut totalement supprimer, un religieux peut sombrer dans des pratiques destructrices : pédophilie, abus sexuels, refoulement pathologique, etc. En tentant de nier les lois naturelles, il peut incarner les pires déviances humaines.
Ainsi, on peut finir par adopter des rôles néfastes : celui du pervers sexuel, du pédophile, ou même de l’ascète refoulant ses pulsions. Dans ce dernier cas, ce refoulement crée un conflit intérieur, car tout ce qui est enfoui finit par resurgir, tôt ou tard, dans cette vie ou dans une autre.
Lors de mon expérience de mort imminente, toutes mes vies ont défilé dans ma conscience. Chaque expérience, heureuse ou malheureuse, est réapparue avec une clarté saisissante. La mort n’est qu’une rupture pour le corps physique ; la conscience, elle, demeure intacte. Les émotions ressenties tout au long de la vie, qu’elles soient positives ou négatives, laissent une empreinte indélébile.
Passer sa vie à refouler ses envies naturelles, qui sont en réalité des moteurs d’amour et de bien-être, est une expérience contre-nature. Les émotions négatives issues de cette privation volontaire peuvent resurgir dans l’au-delà. La conscience, alors interpellée, réagit non par des paroles, mais par des vibrations. Mais quelles vibrations ? Cela dépasse le mental et la rationalité. Mon expérience de mort imminente me pousse à croire que ces vibrations peuvent devenir une véritable souffrance pour la conscience.
L'illusion des signes distinctifs : entre rôle social et essence spirituelle
Porter un signe distinctif, que ce soit pour afficher son appartenance à une communauté ou pour symboliser un rôle social (moine, imam, rabbin, rasta, militaire, cadre en costume, etc.), relève davantage du jeu de rôle et de l’apparence que d’une quête spirituelle profonde. Ces pratiques, bien que parfois perçues comme spirituelles, n’ont en réalité rien de spirituel. Elles peuvent même aller à l’encontre de la véritable essence de la spiritualité.
En confondant l’apparence extérieure d’un rôle avec l’être profond de la personne qui l’incarne, on risque de passer à côté de la vérité. Prenons l’exemple du rabbin. L’être subtil qui joue ce rôle a choisi cette incarnation, mais il n’est pas uniquement rabbin : il est bien plus que cette fonction terrestre. De la même manière, un moine bouddhiste vêtu d’une robe distincte par sa couleur n’est qu’un acteur parmi tant d’autres, tout comme le boulanger ou le médecin.
Si un moine bouddhiste échoue dans sa mission ou commet des erreurs, cela ne signifie pas que l’énergie de l’amour qu’il cherche à transmettre est invalide. Cela montre simplement qu’il a mal joué son rôle. C’est un rappel important : l’amour universel ne dépend pas d’un individu ou d’un rôle en particulier. Cette énergie existe indépendamment des imperfections humaines.
Lorsque des figures spirituelles, comme des maîtres ou des gourous, dévient de leur mission, cela résulte souvent d’une confusion entre leur rôle et leur véritable essence. Ils s’identifient à leur rôle de manière excessive, oubliant qu’ils ne sont que des acteurs incarnant un rôle temporaire. Par exemple, un maître spirituel qui exploite sexuellement ses disciples n’agit pas en tant qu’être universel au service de l’amour inconditionnel. Il s’est déconnecté de son essence, succombant aux illusions de l’égo et de la matière.
Cette dérive est symptomatique d’un oubli fondamental : un maître spirituel est un être éternel venu expérimenter un rôle éphémère, et ce rôle n’a qu’un début et une fin. Lorsqu’il perd de vue cette vérité, il glisse dans une vibration basse, où les incohérences peuvent paraître cohérentes. Ce glissement peut mener à des justifications absurdes, comme l’idée que la transmission spirituelle pourrait passer par une « fusion sexuelle » entre maître et disciple. Une telle dérive ne peut cependant se produire face à un adepte critique, conscient de sa propre nature universelle.
Les habits distinctifs ou tout autre signe matériel appartiennent au domaine de la forme, qui, par essence, est une illusion. Ces signes n’ont rien de spirituel. Ils servent à distinguer la personne qui les porte, à lui conférer un statut ou une autorité, et à instaurer une séparation entre les individus. Cette séparation va à l’encontre de l’amour inconditionnel, qui repose sur l’unité et l’absence de distinctions.
En mettant l’accent sur la forme, les religieux ou maîtres spirituels créent des barrières artificielles qui entravent la libre circulation de l’énergie d’amour. Ce faisant, ils risquent de transformer leurs disciples en suiveurs aveugles, incapables de différencier la spiritualité authentique du statut artificiel conféré par un rôle social.
Les titres tels que prophète, rabbin, pape ou maître spirituel n’ont de sens que dans notre monde dualiste. Ils sont des créations humaines, propres à une civilisation fondée sur des rapports de domination et de séparation. En dehors de cette fréquence terrestre, ces titres n’ont aucune valeur. L’être universel, éternel, transcende ces étiquettes éphémères.
La véritable spiritualité ne réside pas dans la forme ou dans les rôles sociaux, mais dans l’énergie d’amour inconditionnel qui transcende toute distinction. Porter un signe distinctif ou se réclamer d’un titre spirituel ne suffit pas à incarner cette énergie. Cela nécessite de reconnaître que l’on est bien plus qu’un rôle temporaire : un être universel venu expérimenter et propager l’unité. En cessant de s’identifier aux illusions de la forme, nous pouvons retrouver cette connexion avec notre essence profonde et contribuer à un amour véritablement inconditionnel.
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